Château de La Loupe 28240
du 5 au 13 septembre 2009
Fernand Bignon
#2
Fernand Bignon est né à Avranches (Manche) en 1888.
Après le décès de ses parents, il entre en 1909 en tant qu'employé d'horlogerie à Caen (Calvados) et commence la photographie en amateur.
Il s'instale avec son épouse à Mutrécy (Calvados) après avoir été démobilisé. Il exploite la ferme familiale en 1919 et y réalise une série de photos qui seront exposées en Europe, au Japon et aux Etats-Unis.

Il expose avec les plus grands photographes
Fernand Bignon a des échanges avec le pictorialiste anglais Peter-Henri Emerson. Il est reconnu et invité dans divers salons photographiques et reçoit prix et médailles aux côtés des plus grands photographes tels : Constant Puyo, Robert Demachy ou Laure Albin Guillot, etc.

De la photo au cinéma
En 1930, Fernand Bignon ouvre un studio de photographie à Gisors (Eure), où il exerce son activité de commerçant et d'artiste. Il se tourne vers le cinéma. Il réalise une centaine de petits films, tous témoins d'une époque et d'une région : la Normandie. Ses trois petites filles lui servant de modèle !

Il continue après la guerre
Les bombardements allemands sur Gisors détruisent son magasin en 1940.
Dans les années 1950, Fernand Bignon s'essaye à la peinture et continue de photographier sa famille. Il rassemble en album ses photos de voyages en Europe.

Il meurt en 1969 à Gisors à l'âge de 81 ans et est inhumé à Cormelles le Royal (Calvados).

Pour l'expo
En ce qui concerne cette exposition, nous avons choisi de présenter des scènes intimistes, des scènes d'intérieur où Fernand Bignon se plait à photographier ses proches ; sa famille et ses amis, sa femme et ses tout jeunes enfants.
Bignon nous les montre dans leurs jeux, dans leurs activités domestiques et les poses les plus simples.
Notre parti pris ayant été volontairement de laisser de côté le paysagiste qu'est Bignon (intéressé par la nature, les arbres, les chemins, les saisons, les conditions atmosphériques, les bords de mer ou de plage).
Ici, la lumière du jour entre par l'ouverture d'une porte, d'une fenêtre de la ferme de Mutrécy (Calvados) qui lui sert de cadre, de décor.
Le rayon de soleil balaie la pièce, éclaire le sol en un rai lumineux dans lequel évoluent ses personnages.
Le photographe Constant Puyo l'avait d'ailleurs conseillé sur l'éclairage de ses prises de vue.

De la lumière pour la sérénité
Les photos nous montrent une vie simple, familiale et campagnarde.
C'est un père qui a du plaisir à photographier sa jeune épouse et ses enfants.
La mère s'adonnant aux tâches ménagères et domestiques : repassage, lessive, confitures, etc.
Des photos se dégagent des images empreintes de sérénité pendant cette période de l'entre deux guerres où la vie semble plus paisible, loin du tumulte, où ne perçaient pas encore les horreurs qui vont surgir à nouveau...

Un pictorialiste impressionniste !
Les photos de Fernand Bignon présentées dans cette exposition montrent l'influence de la peinture des maîtres hollandais !
Néanmoins, s'il est apparenté au courant des photographes pictorialistes, il fut très marqué -dans son travail sur le portrait et la représentation du paysage- par les peintres impressionnistes.



Mon grand-père : Fernand Bignon

Notre grand-père préparait une toile vierge, des "tubes à huile" et il partait avec ses petits enfants "copier" des paysages avec saules au bord de l'eau.

C'était dans les années 60, un moment inoubliable et sacré. Car même à l'extérieur l'odeur de l'huile reste prenante. Cependant, dans la vie, c'est vraiment la photographie qui aura compté. Les conseils qu'il nous a laissés nous ont tous marqués : cadrage, éclairage. Lorsque l'on prend une photo, on nous demande de ne pas "faire comme Papie" et de se dépêcher un peu !

Pourtant, si l'on essaie de se souvenir et d'exécuter ses conseils ce serait : "au diable les clic clac, vous êtes dans la boîte", horreur du pris sur le vif. Ce sera donc la pose, pour essayer d'avoir la photo le "plus artistique possible".

L'éclairage est-il parfait ? Pas de décor vilain derrière (même si cela ferait plus naturel), que tout le monde soit "bien posé", que rien ne vienne gâter ce tableau mis en scène.
Alors, évidemment avec les animaux... le temps que tout soit bien disposé... le chat est déjà parti ! Les enfants râlent car le soleil dans les yeux ou garder le sourire : peu confortables ! Les amis qui avaient l'habitude de prendre leurs photos sur le vif n'en reviennent pas.

Mais c'est tout cela que notre grand-père nous a transmis, même tout petits. Les longues poses dans les bras de notre mère, les pique-niques où il nous faisait attendre. attendre et tout recommencer, relevaient parfois du cauchemar d'enfant !
Il n'a jamais vu l'interêt des clichés pris sur le vif. Lui, obtenait des photos où "tout le monde était toujours bien".

Donc, au magasin "Studio Bignon" ses clients étaient satisfaits, la photo "réussie" et après avoir bien souffert, ils revenaient et pour toute la famille !
Le résultat était harmonieux, sobre et de bon goût comme dans un tableau joliment mis en scène et bien composé.

En conclusion, on peut dire que ses recherches artistiques ne l'ont jamais quitté. Et, à la fin de sa vie, il aura encore fait poser chacun de ses ouvriers, à la construction de sa maison de campagne.

Récemment, le peintre de Gisors, Maurice Fleury, a dit sur les peintures exécutées par Fernand Bignon que si "elles étaient grises, sombres, cela venait sans doute de la photo en noir et blanc, qui à l'époque dominait et qui l'influençait, à son insu bien sûr, puisqu'il n'allait par sur le "motif" et ainsi les couleurs lui échappaient".

Déjà en 1928, le peintre anglais Leonard Richmond lui avait adressé son livre de conseils et de recherches "the Art of Landscape Painting" mais le peintre n'aura pas su prendre ou remplacer le photographe et des générations de vieux saules au bord de l'eau resteront maladroitement peints mais si bien photographiés.

Frédérique Closier